Ateliers langue des signes pour bébé, par Elisabeth Champenoy

Article original dans Strada : https://www.strada-dici.com/bonus503/
La langue des signes pour bébé : une idée simple mais puissante pour entrer en communication avec bébé en famille

Rencontre avec Elisabeth Champenoy qui propose, dans le cadre des Menottes Acrobates, des ateliers « Bébé signe » aux familles.

 

Quand on parle de langue des signes, on pense tout de suite à la communication avec les sourds ? Existe-t-il un lien ?

– Oui la langue des signes pour les bébés est issue de la langue française développée par les sourds. La LSF est une langue à part entière qui comporte des phrases, une syntaxe. Les signes pour Bébé sont  empruntés à la langue des sourds dont on n’a gardé que des mots de l’environnement de l’enfant ; toute syntaxe est absente. Le principe est de « signer » le mot tout en le prononçant.

 

– On est bien d’accord que les signes pour bébé ne sont pas destinés qu’aux enfants sourds, mais on peut rappeler comment l’idée d’utiliser cette langue pour les Bébés a émergé?

– Dans les années 80, aux Etats Unis, un interprète en Langue des signes des sourds a constaté que des enfants entendants de parents sourds communiquaient plus tôt que les enfants de parents entendants. De là est venue l’idée d’en faire un outil de communication pour tous les jeunes enfants.

En France, Monica Companys qui est sourde a introduit le concept en 1999 et créé l’Association «  Bébé fais-moi signe » avec Nathanaëlle Bouhier-Charles qui est entendante. Monica Companys a toujours conservé ce principe d’intervention en binôme, même si elle a changé depuis de partenaires.

 

– Est-ce que tu peux m’expliquer sur quoi se fonde la langue des signes et donc les « signes pour bébé » ?

– La langue des signes reposent sur les gestes, les mouvements du corps et les expressions du visage. Certains signes sont comparables à du mime : le signe qui représente le loup évoque le nez du loup par un geste en mouvement. Il s’agit de gestes iconiques qui figurent l’objet qu’ils désignent : on représente la maison en évoquant un toit avec les mains. Les gestes dits arbitraires sont ceux où il n’y a pas de lien entre le sens et la forme exprimée : le terme « faux » se dit  pouce et auriculaire ouverts, les autres doigts fermés avec lesquels on touche  le menton.

Certains ont une histoire. Ainsi la couleur blanche est signée en montrant son cou, ce qui évoque les cols blancs que l’on portait autrefois. Pour signifier les « chaussures », on frappe les paumes des mains, ce qui représente les semelles des chaussures que l’on tape entre elles pour faire tomber les saletés !

La LSF n’est pas universelle, elle diffère suivant les pays et il existe même des variations d’une région à l’autre. En région parisienne, Maman se dit la main plate sous le sein, geste répété deux fois. Dans la région lyonnaise, on tape deux fois à droite du nez, pouce levé et les autres doigts fermés. Pour ma part, j’ai choisi le signe « maman » de Paris.

Ces variations régionales attestent que cette langue est bien issue de communautés de sourds et non d’une création artificielle.

Et comme toute langue, la LSF évolue, des signes changent, d’autres se créent.

 

– Comment se déroulent tes animations ? Le bébé est-il présent ?

– Je propose un cycle de six ateliers qui font référence au quotidien de bébé. Il s’agit d’ateliers destinés aux parents et au bébé, accompagnés ou non de la fratrie. Le bébé est bien présent. Les groupes se composent de une à 4 familles maximum.

Toute la famille apprend des chansons qui pourront être rechantées à la maison et permettront la mémorisation de signes. Les mots clés sont signés et prononcés 2 à 3 fois.

Parmi les « classiques enfantins », il existait déjà des chansons « signées » comme « dans la maison un grand cerf, regardait par la fenêtre, un lapin venir à lui… ». Et bien d’autres chansons sont créées ou adaptées.

Quant aux histoires, j’essaie d’utiliser celles que les enfants pourront retrouver dans des livres. Ainsi l’histoire que le parent raconte à l’enfant avant de s’endormir pourra être également « signée ».

Je reprends également des jeux que j’adapte suivant les thèmes proposés en  ateliers: la journée de bébé ; la toilette, les vêtements ; le repas ; l’extérieur ; les animaux, les personnes ; les émotions. Les thèmes répondent aussi à des demandes : les anniversaires, Noël ….

 

– Cela semble très amusant mais y trouve-t-on un intérêt autre que ludique ?

– Un jeune enfant ne commence à parler qu’à deux ans en moyenne. Mais il comprend beaucoup de choses bien avant, sans pouvoir exprimer ses envies, ses besoins …… Ses parents ne le comprenant pas, bébé se sent frustré, en colère et il s’exprime par les cris et les pleurs. Je vous donne un exemple de la vie courante. Vous vous promenez avec l’enfant, tout à coup l’enfant pleure. Avec les signes, vous lui demandez pourquoi : peut-être a-t-il vu un chien qui lui a fait peur. Il vous répondra en signant le chien.

Ainsi il sera apaisé parce que compris. Les frustrations disparaissant de part et d’autre, le parent est attentif à son enfant avec plus de sérénité.

Mais au-delà de comprendre l’enfant dans ses besoins primaires, cette communication permet de partager  les émotions, les sentiments, les découvertes de l’enfant. On accède un peu à son monde. Ainsi la relation se trouve enrichie de ces échanges et de belles complicités s’instaurent.

De plus les gestes précis de cette langue permettent de développer les capacités de l’enfant : la motricité fine, la perception, la mémoire visuelle….voire la créativité

 

– Cela paraît assez magique car l’enfant comprend plus  facilement mais surtout on lui offre un outil pour s’exprimer. A partir de quel âge l’enfant peut-il signer ?

– Très tôt, les bébés communiquent avec le corps et imitent naturellement nos gestes : ils font ‘‘au revoir’’, ‘‘bravo’’, ‘‘marionnettes’’, bien avant de pouvoir prononcer des mots. C’est donc relativement naturel pour le bébé de « signer », de dire le mot avec le geste.

On peut commencer à communiquer avec lui à partir de 2 mois en signant des chansons, des comptines et de petites histoires.  L’enfant commencera, lui, à signer à partir de 8 mois environ. Puis vers 2 ans, la parole orale supplantera naturellement le signe.

 

– Ne risque-t-on pas d’inciter les parents à pousser les enfants à la performance dès le plus jeune âge ?

– Non non, surtout pas ! Ce n’est pas le but ! Les séances se déroulent souvent en famille dans la décontraction. Nous sommes tous assis sur le sol en rond avec des jeux : on chante, on joue, on s’amuse, on rit, on raconte des histoires tout en signant et prononçant les mots clés.

La langue des signes est un cadeau que les parents décident d’offrir à leur enfant. L’apprentissage et la pratique doivent se dérouler dans une ambiance conviviale, bienveillante, ludique et joyeuse, dans le respect absolu du bien-être de l’enfant. Il arrive même qu’avec une pratique des signes ludiques, on dédramatise des situations qui quelquefois sont stressantes pour l’enfant et ses parents, comme l’apprentissage de la propreté.

Et puis les bébés sont curieux ; ils aiment apprendre

Quand la fratrie est présente, cela conforte la complicité entre les plus âgés et le jeune enfant. Et au fil du temps, si un autre enfant parait dans la famille, les signes se transmettront.

 

– Quel est ton parcours ? Depuis toujours en lien avec l’enfance ?

– Fleuriste ! Ensuite durant 19 ans, j’ai rejoint le monde professionnel de la Petite Enfance en devenant Auxiliaire de puéricultrice puis éducatrice de jeunes enfants.  J’ai commencé à m’intéresser aux signes  pour les bébés alors que j’étais encore EJE à LYON en 2013.

Je me suis formée à l’animation d’ateliers auprès de Monica Companys qui forme des animateurs/trices et des formatrices de professionnels de la petite enfance depuis 2006. Elle écrit également des livres pour enfants sourds et entendants qui font référence ; elle a même créé une maison d’éditions de littérature enfantine.

J’ai pu mettre en œuvre cette pratique des signes pour bébé au sein de la crèche que j’ai quittée ensuite pour me spécialiser en transmettant cet outil aux familles.

Qu’est-ce qui te motivait pour quitter le métier d’éducatrice de jeunes enfants ?

Je voulais que les parents, et pas seulement les professionnels comme moi,  aient aussi accès à cet outil puissant qui permet à l’enfant de gagner en confiance, en autonomie, d’être davantage acteur de son développement et non pas de subir ce qu’on lui impose sans avoir son mot à dire. Ainsi par le geste, il a le mot.

 

– Question incontournable dans cette période de pandémie qui nous oblige à porter un masque : les signes compensent-ils les expressions du visage ?

– Non, le masque est très gênant car comme je te le disais, tout à l’heure, les gestes sont accompagnés d’expressions du visage. C’est pourquoi, je projette de poursuivre mes ateliers avec le port d’un masque transparent ou  à distance sur écran.

 

– Quels sont tes projets ?

– Je souhaite développer, personnaliser cet outil, tout en utilisant des matériaux pour mettre en éveil les différents sens de l’enfant qui explore et expérimente le monde, par le toucher notamment. J’utilise déjà un tapis de lecture car il rend l’histoire vivante : l’enfant manipule les objets, les personnages qui le composent. Les différentes matières du tapis ajoutent au plaisir de voir et d’écouter, des sensations tactiles.

Pour l’instant, je propose des ateliers aux familles  au Petit café, Association « les jeunes Pousses ». Je commence par un atelier découverte suivi d’un cycle de 6 ateliers.

 

Elisabeth Champenoy

Elisabeth Champenoy

 

Des témoignages de parents :

 Xavier, un papa : « Généralement, communiquer avec les enfants va dans un seul sens, surtout quand ils sont très jeunes pour dire ce qu’ils peuvent ou pas faire. Mais grâce aux signes, on a un vrai interlocuteur ; le premier vrai message émis : « faim », « manger » est très émouvant. Bien plus facile à vivre que des pleurs dont-on ignore la cause »

 Maëlle, une maman : « Luisa était subjuguée, fascinée la première fois que je lui ai chanté une chanson avec les signes. Elle a très rapidement repris le signe de la « forêt » pour m’accompagner. Mais le plus émouvant a été lorsque nous avons reconnu son premier signe « encore » (elle avait environ 13 mois) ; et quel bonheur dans son regard quand elle a vu que nous l’avions comprise !! D’autres signes ont suivi : chocolat, promenade, peur, bébé, il n’y en a plus, merci … Quel plaisir pour elle d’être actrice, initiatrice de la communication, voire de jouer l’humour avec nous !! C’est aussi très précieux de pouvoir comprendre ses émotions pour pouvoir l’accompagner, la rassurer. L’entourage est très surpris et très intéressé par les signes qu’elle formule. C’est un vrai plus dans la relation avec notre fille. Nous avons beaucoup apprécié les cours avec Elisabeth : des supports variés et la régularité nous ont soutenus dans notre démarche. Un petit conseil : quand c’est possible de venir aux cours avec le papa, cela permet de mieux mémoriser les signes et favorise une vraie communication à trois et …des bons fous rires !! »

bébé parents

EN SAVOIR PLUS

Elisabeth Champenoy. Les Menottes Acrobates Inscription  06 80 02 13 45
Atelier découverte gratuit puis cycle de 6 ateliers 110€ à partir du Mercredi 7 octobre à 9h30
https://cafejeunespousses.wixsite.com/leptitcafe/
www.facebook.com/Les-menottes-acrobates

AUTEUR : Sylvie SCHREPEL

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